Formation numérique: attention à ne pas trop simplifier les interfaces

L'interface utilisée pour une formation numérique ne doit pas être trop simplifiée et coupée de l'environnement de l'internet quotidien. Notamment pour les personnes de bas niveau de qualification qui ont des problèmes d'accès aux outils numériques. 

La formation numérique des personnes de faible niveau de qualification ne pose pas de problème particulier, à condition de prendre en compte leur difficulté majeure: l'accès médiocre ou quasiment nul qu'ils ont aux outils numériques, que ce soit dans leur entreprise ou dans leur famille. Le programme de formation doit intégrer les mêmes applications que celles qu'ils pourront trouver ensuite sur leur bureau ou sur l'ordinateur familial. Ainsi l'action de formation pourra leur apporter, au-delà de son objet propre, une aide à franchir le barrage qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne.
 
Par faible niveau de qualification, j'entends les niveaux des gens qui sont à peine sortis de l'apprentissage de la lecture, et qui ne sont plus dans les structures scolaires (dits 6 ou 5bis). S'il y a dans leur cadre familial des proches qui utilisent des outils numériques, par exemple un enfant, ceux-ci ne leur faciliteront pas l'accès, de peur qu'ils «cassent» le matériel. On trouvera le même comportement sur les... lieux de travail de la part de l'encadrement de proximité, sur le thème: «ne touchez pas à l'ordinateur, vous ne savez pas faire !». Je caricature à peine.
 
Pourtant, des études ont montré que l'appétence de ces catégories pour le multimédia est aussi forte que celle d'autres catégories de plus haut niveau. Quant à la «mythification» des nouvelles technologies, c'est-à-dire la peur, donc la résistance à s'en servir, elle n'est pas plus forte à un niveau 6 qu'a un niveau doctorat...
 
RESTER PROCHE DE L'ENVIRONNEMENT NUMERIQUE QUOTIDIEN
 
Jusqu'à présent, on a eu tendance à développer des interfaces spécifiques, très simplifiées, avec souvent un formateur qui prépare la machine. Dans ces conditions, l'accommodation à l'environnement multimédia n'existe pas. 
 
Or la formation doit justement devenir le lieu ou l'on repense l'accès aux nouvelles technologies. En d'autres termes, il faut rendre accessible la machine, mais ne pas prévoir par exemple d'interfaces qui se lancent toutes seules ou d'autres automatismes. Il faut certes des ressources sur mesure, mais il faut réintégrer dans ces ressources l'ensemble des manipulations essentielles du multimédia. 
 
Au lieu de simplifier, on va mobiliser l'ensemble des interactions utilisées dans la vie quotidienne. Les personnes formées vont alors développer leur propre stratégie pour être capables de se débrouiller dans l'univers général de leur bureau ou de leur maison.
 
C'est ainsi que nous avons été conduits à mettre en place une veille sur les nouveaux modes d'interaction sur internet pour les réintroduire dans les outils développés pour eux.

PENSER LA SOLUTION COMME UN TOUT

Un autre aspect auquel nos veillons particulièrement dans le développement de nos solutions de formation (professionnelle ou continue), est de penser le produit multimédia, comme un ensemble au service de la pédagogie. Nous appelons cela la «scénarisation pédagogique multimédia». Il s'agit de mettre en interaction, pour attendre des objectifs pédagogiques, à la fois les aspects graphiques, les relations homme-machine, les types d'activités proposés et les contenus (images, vidéos, sons, voix off). 
    
Il s'agit de penser le produit comme un tout, qui soit au service de la pédagogie, y compris par exemple le design graphique, l'aspect visuel.
 
Pour cela, une responsabilité unique doit prendre la tête du projet pour s'assurer que tous les éléments sont intégrés pour converger vers les mêmes objectifs. Même si on externalise la production, il faut que le projet soit conçu avec une équipe réunissant toutes les compétences autour de la même table
 
Enfin, chaque fois que cela est possible, il est préférable de travailler au contact des gens qui détiennent le contenu, au contact du public et de ceux qui encadrent ce public, qu'il s'agisse de l'encadrement de l'entreprise ou des formateurs. Cela permet, y compris tout au long de la production, de bénéficier des retours, des questions, des suggestions pour mieux définir les besoins. Evidemment, cela demande un engagement de l'environnement pour lequel on travaille, exigence souvent difficile à satisfaire.

(Propos recueillis par Yves de Saint Jacob)
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