Lutter contre le mildiou de la tomate

 Le mildiou est un fléau qui a déjà anéanti de nombreuses cultures à travers le monde. Pour mémoire : la grande famine d’Irlande qui au milieu du 19ème siècle a détruit toutes les cultures, provoqué la mort d’un million de personnes et l’exode de millions d’autres. Plus récemment, il semblerait que le mildiou ait anéanti cette année une bonne partie des productions de pomme de terre des Etats-Unis et du Canada. Certains chercheurs considèrent aujourd’hui que toutes les conditions sont réunies pour que le mildiou passe prochainement d’une reproduction végétative à une reproduction sexuée, ce qui conduirait à l’apparition de nouvelles souches encore plus virulentes. Le mildiou risque donc d’avoir un impact accru sur la production de nourriture de la planète (ce problème de nourriture étant en train de devenir crucial).
Il ne sera question dans cet article que du mildiou de la tomate. Ou plutôt « des » mildious de la tomate car ce terme (qui est la francisation du terme anglais mildew, signifiant « moisissure ») est un terme générique qui regroupe toute une série de maladies cryptogamiques.
Cet article est la reprise d’un article déjà ancien que j’ai écrit sur ce thème et que j’ai jugé utile de reprendre aujourd’hui car des expériences complémentaires et des discussions avec les uns et les autres m’ont fait avancer dans ma réflexion. Je suis donc en mesure d’être aujourd’hui un peu plus précis dans mes préconisations pour lutter contre cette maladie, d’autant plus que l’année 2009 m’a conforté dans certaines de mes intuitions et réflexions (voir l’article que j’ai mis en ligne il y a quelques jours et qui montre des pieds de tomates qui sont encore en plein rendement au 12 octobre … Depuis, le gel a tué brutalement tous les pieds)
Mon constat préalable est qu’il n’y a pas de règles valables à 100% car malgré toutes les précautions prises, le mildiou peut apparaître sur n’importe quel pied, y compris sur des variétés vendues comme très résistantes (la variété « Belle de Lorraine » vendue comme étant la variété la plus résistante, et sur laquelle je mettais beaucoup d’espoir, n’a pas fait l’ombre d’un pli et j’ai même dû arracher les pieds prématurément). On ne peut donc être complètement à l’abri d’une attaque. Par contre, on peut mettre toutes les chances de son côté pour que l’impact du mildiou soit faible et le contenir dans des limites acceptables. C’est le but premier de cet article. Et les précautions que l’on doit prendre ne sont pas de l’ordre de quelques-unes seulement, mais multiples, ce qui peut rendre la culture de la tomate fastidieuse pour les uns mais ô combien passionnante pour les autres (pour les jardiniers qui aiment relever les défis !).
Alors ces conseils et ces réflexions (que je partage avec d’autres amis jardiniers), les voici :
A PROPOS DU CHOIX DES VARIETES
- Utiliser essentiellement des variétés anciennes dites « à croissance indéterminée ». Il faut savoir que les tomates anciennes grandissent sans cesse et pourraient vivre plusieurs années (en théorie seulement, car en pratique le gel vient anéantir les plants sous notre climat). Ce qui veut dire que le mildiou met du temps à couvrir toute la plante car celle-ci continue de grandir. Par contre, il faut savoir que les variétés modernes sont au contraire des tomates dites « à croissance déterminée ». Elles sont issues d’un nouveau type de plant qui est apparu en 1913 dans le New Jersey. Au fur à mesure que la sève monte dans le pied, elle s’épuise et les tomates ne peuvent alors dépasser une certaine taille, elles s’arrêtent de grandir. Et comme elles ne grandissent plus, elles sont rattrapées en un temps record par le mildiou. L’idée que les variétés modernes seraient plus résistantes est une idée fausse, c’est exactement le contraire qui se passe. Disons, pour être plus précis, que les tomates modernes ne sont pas plus sensibles au mildiou que les variétés modernes, mais qu’elles n’ont pas la possibilité de « fuir » devant les attaques du mildiou en produisant de nouvelles feuilles.
- Lors des attaques de mildiou, chaque variété réagit différemment des autres. On aura donc intérêt, pour limiter le risque, à planter deux pieds de dix variétés différentes plutôt que vingt pieds d’une seule variété (ce qui ne coûte d’ailleurs absolument rien au jardinier qui fait ses propres semences). Et quand on a pris goût à la biodiversité, on la recherche constamment … Parmi ces variétés, pensez aussi à mettre des variétés à feuillage de pommes de terre, plusieurs d’entre elles me semblent résister à la maladie jusque assez tard à l’automne (exemple de la variété « matina »). Sachez aussi que les tomates cerises offrent plus de capacité de résistance que les autres tomates. Et comme ce sont assurément celles qui ont la meilleure qualité gustative, privilégiez-les dans votre jardin.
A PROPOS DU MODE DE CULTURE
- Les pieds de tomates doivent être espacés car le mildiou a moins de prise sur les pieds bien aérés. Je préconise 1 m entre chaque pied. La plupart des jardiniers n’espacent pas assez leurs pieds de tomates et c’est une grosse erreur. Une autre méthode consiste à disperser les pieds de tomates dans tout le jardin. Un pied par ci, un pied par là, c’est encore mieux !
- Il faut que les pieds de tomates aient bien commencé leur vie. Je m’explique. Un pied qui a été stressé au départ sera moins bien armé pour développer ses propres défenses. Il faut donc mieux avoir semé ses tomates soi-même plutôt que d’acheter des plants dont les racines « tournent autour du pot » car manquant déjà d’espace pour se développer. Et on aura soin de repiquer plusieurs fois ses jeunes plants et les transplantant dans des godets chaque fois un peu plus gros (deux repiquages minimum, trois étant sans doute l’idéal). Attention aussi à tout autre type de stress des jeunes pieds de tomates (excès de chaleur dans une serre, godets de repiquage desséchés en manque d’eau …).
- Il faut qu’il y ait un certain rapport entre la masse du feuillage et celle des fruits. Un pied en bonne santé a généralement beaucoup de feuillage et cela lui permet d’être plus résistant. Cela nous confirme un peu plus dans le choix des variétés anciennes dont le feuillage se développe beaucoup plus. La nécessité d’avoir un bon développement du feuillage implique aussi qu’il ne faut pas trop tailler les tomates, voire ne pas les tailler du tout. Il faut savoir que l’élimination des branches  secondaires (que l’on appelle « gourmands »), qui poussent à l’aisselle des feuilles,  favorise la pénétration du mildiou dans les plaies provoquées par la taille. De toute façon, les tomates anciennes à croissance indéterminée se comportent infiniment mieux avec trois ou quatre tiges-maîtresses qu’avec une seule. On peut cependant éliminer certains gourmands mais uniquement lorsqu’ils sont petits car la plaie se cicatrise ainsi très vite. Et le but de l’élimination de ces quelques gourmands est aussi de garder un feuillage aéré et sec car les spores du mildiou ne peuvent pas germer sur une feuille sèche. Il faut donc rechercher une manière de garder beaucoup de feuillage mais en faisant en sorte que celui-ci reste cependant suffisamment aéré. Une question d’équilibre donc.
- J’ai remarqué que la proportion idéale feuillage/fruits n’est pas respectée chez certaines variétés qui donnent de gros fruits volumineux à la base du plant. Ces gros fruits pompent trop de sève et le feuillage se développe alors très mal. Ces grosses variétés sont en général plus sensibles au mildiou, elles atteignent rarement l’automne et je me suis demandé s’il ne fallait pas couper les premiers bouquets de fleurs afin de laisser d’abord le temps au feuillage de se développer. C’est ce que je vais faire dès l’an prochain sur les grosses variétés (coeur de boeuf, brandywine, blue fruit, ananas…). Un beau champ d’expérimentation en perspective.
- Contrairement à une idée répandue, les tomates n’ont pas besoin d’eau. N’arrosez donc pas vos tomates ! Sauf si l’été s’avère trop sec. Dans ce cas, paillez le pied des plantes et arrosez-le une ou deux fois seulement dans l’été. Il faut toujours garder en tête que l’humidité favorise le mildiou. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il vaut mieux enlever les feuilles de tomates qui touchent le sol car la zone proche du sol est en général très humide, notamment la nuit.
- Les tomates que je cultive en terre limoneuse en plein champ sont plus sensibles au mildiou que celles que je cultive dans mon jardin en terre plus argileuse. La nature de la terre doit donc certainement influer. Mais comme les tomates que je cultive en plein champ sont sur un terrain infesté par le mildiou à cause de la proximité de cultures de pommes de terre, je peux difficilement, pour l’instant, tirer de conclusion définitive quand au comportement du mildiou selon la nature du sol. Il me semble cependant que les sols lourds conviennent plutôt bien à la tomate.
- Les tomates semées tardivement (deuxième quinzaine de mai) se comportent mieux face au mildiou et assurent une bonne production d’arrière-saison en septembre-octobre. Cela s’explique facilement car à l’entrée de l’automne (période plus humide, notamment à cause de la présence de brouillards), les pieds sont encore jeunes, ils n’ont pas encore affaibli le sol en oligoéléments, et offrent donc bien plus de résistance que les vieux plants semés en mars. Pensez donc à échelonner vos semis : février (pour ceux qui possèdent une serre), mars (pour le gros de la production) et mai (pour une récolte d’arrière-saison).
- Sachez aussi que l’excès d’azote favorise les maladies et notamment le mildiou. Je me contente de mettre un peu de fumier au pied des tomates lorsque je les plante. D’autres utilisent  le purin d’ortie en cours de culture (dilué à 20%).
A PROPOS DES TRAITEMENTS 
- Les traitement à base de cuivre sont difficiles à éviter. Sachez que la fameuse bouillie bordelaise (sulfate de cuivre) est tolérée en agriculture biologique. Néanmoins, on peut se préoccuper de la teneur en métaux du sol et essayer de limiter les quantités de cuivre. J’ai testé avec beaucoup de succès le cuivrol qui est vendu par Magellan comme étant un engrais foliaire pour plantes et qui est beaucoup moins dosé en cuivre. Il contient par contre des oligoéléments qui renforcent les défenses des plantes (zinc, bore et molybdène). La fréquence des traitements varie selon la météo : on peut pratiquement se passer de bouillie bordelaise (ou de cuivrol) lorsque l’année est sèche mais les traitements peuvent être très proches (tous les 10 jours) si l’alternance pluie/soleil est trop forte. Le fait de transpercer le pied de la tomate d’une fil de cuivre est une pratique assez répandue chez les jardiniers amateurs, mais je ne sais pas si l’efficacité de cette méthode est avérée. Je l’ai faite autrefois, je ne prends plus le temps de le faire, c’est sans doute dommage.
- Les principes actifs (oligoéléments, minéraux) contenus dans l’ortie sont précieux et peuvent être utilisés pour renforcer les défenses des pieds de tomates. On peut utilement enterrer quelques poignées d’orties au pied de chaque pied de tomate lors de la plantation. Un purin d’ortie (à diluer à 5% maximum), pulvérisé régulièrement sur le feuillage, renforcera les défenses des plantes. Idem paraît-il pour les décoctions de prêle, de saule ou d’osier mais je n’ai pas testé ces dernières.
- Les plants atteints peuvent être traités par un mélange très naturel, dont la nocivité est nulle, de bicarbonate de soude et de savon noir. Pour 4 litres d’eau, mettre 1 cuillerée à soupe de bicarbonate de soude et 4 de savon noir (le savon noir n’a comme rôle que de permettre au bicarbonate de soude de se fixer sur les feuilles). Le traitement est à renouveler après chaque pluie.
- Lorsque un plant est atteint, il faut enlever les feuilles dès qu’elles sont abîmées, ce qui nécessite une surveillance permanente. Les feuilles seront de préférence brûlées, en aucun cas mises au compost. Quand on a largement assez de pieds de tomates, on peut carrément arracher le pied malade afin d’éviter une contamination des autres
- Il semblerait que les tomates secrètent dans le sol des substances qui vont les aider à mieux résister les années suivantes. Ce qui veut dire qu’il vaut mieux replanter les tomates chaque année aux mêmes places. C’est ce que disent certains. D’autres affirment le contraire. Rien dans mon expérience ne me permet de confirmer ou d’infirmer ces dires. Encore un champ d’expérimentation pour les années prochaines ! Mais peut-être avez-vous un avis là-dessus …

CONCLUSION

Sujet donc très complexe que ce problème du mildiou. Cet article n’est donc pas définitif et il est probable que je l’amende encore dans les années qui viennent. Et j’espère que beaucoup d’entre vous (Marie-Jo, Francisca, Christophe, Luc, Lamosa, Dan …) pourront témoigner par leurs commentaires de leurs expériences, ce qui permettra sans doute de confirmer certaines de mes observations mais aussi d’en rejeter certaines.
En conclusion, les clés du succès de la lutte contre le mildiou de la tomate tournent pour moi autour de cinq concepts : « Diversité de variétés anciennes », « absence d’arrosage », « peu ou pas de taille », « traitement à base de cuivre/ortie » et « surveillance permanente ».

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